28 juil. 2009

2009 l'année du khaki?


La mauvaise nouvelle du jour c'est que l'armée se rappelle de mon existence... Ce blog est en vacances je m'en vais parcourir les couloirs et les bureaux de tous les services d'administration israélienne pour tirer mon statut au clair. En éspérant m'en sortir sans uniforme khaki pour 6 mois.

23 juil. 2009

"Mais tu ne t'inquiètes pas trop?"


Comme beaucoup de touristes en Israel, les étudiants de mon oulpan étaient pour la plupart obsédés par le conflit. Ils le prennent en pleine figure dès leur arrivée à Jérusalem. Il est partout et nulle part, dans cette peur irrationelle qui les surprend dans le bus du matin, ce mur gris qui défigure l'horizon du désert de Judée, ou ce questionnement permanent d'où passe la fameuse Ligne Verte. Et pourtant, c'est exactement ce qui les definit comme touristes.

Je n'y pense plus...

Je passe les portiques de sécurité de ma fac ou le garde du supermarché sans même y prêter attention, un soldat dans le bus sans plus voir qu'au coté de son sac pend un M16 chargé. Nous sommes les acteurs d'un conflit qui se joue autour de nous, malgré nous, et avec nous parfois. Il rythme nos histoires mais chacun s'applique à l'ignorer. Paradoxalement, tant qu'il sévit à petit-feu, son omniprésence le rend invisible.

Cette semaine, le journal du matin "Israel Aujourd'hui" donnait en première page des statistiques qui peuvent sembler surprenantes. 86% de la population se déclarent "heureux et satisfaits de leur vie". C'est plus qu'en France, plus qu'en Finlande, même plus qu'au Canada! C'est très simple: pour être heureux ici, il faut choisir de l'être.

L'Israélien aime se comparer à la figue de barbarie. Fragile mais piquant (ou plutôt piquant parce que fragile?), tout comme le fruit dantesque mais charnu, sous sa carapace bardée d'épines, qui pousse en été sur les cactus du pourtour méditerranéen. Certes, nos perspectives sont souvent claires-obscures mais le conflit ronge ceux qui ne se protègent pas de lui.

Et les copains de l'étranger? Ils sont comme nos touristes. Ils n'ont que l'image noire, peut-être tout aussi réelle, dépeinte par les faits bruts. Ils s'inquiètent! Souvent pour rien, mais on ne manque certainement pas de raisons de s'inquiéter nous aussi. Simplement nous les ignorons consciemment jusqu'à les oublier. C'est toute la différence entre vivre et survivre.

19 juil. 2009

"Sous les pavés, la plage?"


Ce pays est un endroit de contrastes qui n'en deviennent que plus frappants lorsque l'atmosphère s'échauffe. La semaine dernière a vu les rues de Jérusalem devenir chaque soir le terrain d'affrontements très violents entre la police, l'armée et les Haredim (population ultra-orthodoxe des quartiers de Mea Shearim et Geula).

Une photo du journal Yedioth Ahronoth (je ne m'y suis pas risquée!)

Comme tous les quelques mois, dans un glorieux rituel pyromaniaque, un euphorisant feu de joie, ils protestaient. Cette semaine, contre l'arrestation d'une mère neurotique affamant son garçonnet, il y a un mois contre l'ouverture d'un parking municipal durant shabbat, et quelques semaines auparavant contre l'abomination de la Gay Pride - horreur, des filles, des garçons, et même des indécis paradant dans les allées bénites de la ville trois fois sainte!

Ils deviennent de plus en plus efficaces, d'ailleurs! En une nuit toutes les poubelles du quartier de Mea Shearim ont brulé d'un aveuglant feu divin. Il a fallu s'en prendre à coups de pavés, fautes de décharges restantes, jeunes et moins jeunes, de 7 à 77 ans pour ainsi dire, aux bâtiments publics, aux bus, à tout signe de cette municipalité mécréante, qui ose - quel comble! - prétendre que la loi s'applique a tous.

Pour tous du coup, le consensus était vendredi d'échapper enfin à cette ambiance fort tendue et de profiter de la plage avant Shabbat. Aux aurores, nous avons donc rejoint avec Nic et Adi nos khanikhim¹ du dernier cours de Magen David Adom² sur le sable brulant de Tel Aviv. Ces deux villes sont tellement emblématiques de deux mondes aussi différents que liés que les 40 courtes minutes du trajet semblent irréalistes.


On se croirait arrivé dans une ville dessinée par Bilal un jour heureux. Une sorte de mélange absurde de Manhattan-Sarajevo en passant par Berlin, sous le soleil de l'orient. Dès la descente du bus, l'humidité nous suffoque, la chaleur est moite, mais la lumière est aussi plus vive, l'humeur soudain évidemment plus détendue, plus rieuse, plus dynamique. Les passantes, avec une robe 10 cm plus courte qu'à Jerusalem, s'enduisent de Monoï sur le chemin de la mer où l'activité unique de la journée consiste à scruter l'horizon en attendant le marchand de glaces ambulant.

Et pourtant, les choses changent vite! Déja quand vers 17 heures j'arrive enfin de retour à Jérusalem dans les environs du nouvel appart sur la rue Shamai, c'est pour me trouver dans une marée humaine très jeune et branchée qui danse sur une musique électro, un vendredi après-midi. La pression religieuse semble loin, très très loin... J'en oublie du coup que shabbat arrive, que les transports s'arrêtent et je rate le dernier bus pour Gilo.

1. "khanikh" - Le khanikh est à la fois un élève, un apprenti, une recrue ou plutôt un membre d'une colonie de vacances. Le terme en hébreu se réfère au verbe "lekhanekh", ou éduquer, tout simplement! Pour les linguistes en herbe, le "kh" est guttural et se prononce ici comme le "ch" sur mot "ach" en Allemand.
2. Magen David Adom - La branche israélienne de la Croix Rouge Internationale. J'y suis volontaire depuis 2007, pour plus de détails, cliquez ici!

10 juil. 2009

"Na Nach Nachma Nachman Meuman"


Quand avez-vous croisé dans la rue pour la dernière fois un visage rayonnant de plaisir, éclairé par la gaieté? Ou des inconnus, qui sans un mot se sourient, éxubérants, et dansent leur bonheur au milieu d'une allée? Des gens heureux, joyeux d'être tout simplement? D'aucuns disent qu'en Israel rien n'est privé. Ils ont sûrement raison, mais il en va de la tristesse comme de la joie simple de vivre.

Hier soir, devant une bannière tendue sur la rue piétonne Ben Yehuda, la jeunesse hippie jérusalémite dansait pour la paix. L'arak et la vodka coulaient à flots, les gamins zigzaguaient entre les passants soudain pieds nus, qui se jetaient dans le cercle, emportés par le rythme. Il parait que c'est un concept à Jerusalem, on appelle ça une fête de rue. Une mini-rave s'improvisait pour cette Paix avec un grand P, aussi élusive qu'idéale, aussi euphorique que chimérique.


En même temps, à quelques mètres de là, s'installait le camion ambulant des Hassidim "Na Nach", qui entamait une joute sonore avec le saxophone et la batterie. En cette veille de jeûne, dans la cacophonie générale, les paroles de Bob Marley se fondaient avec la pop hassidique.

Et c'est alors qu'arriva un véritable miracle moderne: une fusion! Un improbable rapprochement des deux groupes, une scène tellement incongrue que les passants sortaient leurs téléphones pour saisir l'instant magique de ces barbus en costumes traditionnels aux bras de jeunes gens dans une ronde mixte devant un panneau "Rotsim Shalom" (Nous voulons la paix).


Mais qui sont-ils, en fait, ces disciples du Rav Nachman de Breslov? Impossible de leur échapper ou de les ignorer, qu'on soit local ou touriste. Leurs pratiques suivent tout à fait celle du Hassidisme, un monde où se mèlent les croyances ésotériques de la Kabbale avec une pratique stricte d'un Judaïsme orthodoxe. Ils laissent leur mantra cryptique partout sur les murs du pays, en lettres géantes simplement graffitées sur les toits, les voitures, les panneaux publicitaires ou même la barrière de sécurité.

Cinq mots étranges: "נ נח נחמ נחמן מאומן - Na Nach Nachma Nachman Meuman"

Ils portent une kippa très large, souvent blanche, brodée du même slogan, et se promènent régulièrement en groupe dans les rues des bastions les plus séculaires d'Eilat, de Tel Aviv ou de Jérusalem, à bord de vans diffusant leur musique techno-hassidique. Dans ces 5 mots de leur cri de ralliement, ils trouvent un chant appellant la rédemption d'Israel, tel qu'annoncé en son temps par le Rav Nachman.



Le chant, selon le Rav Nachman, qui devait aimer les énigmes farfelues, aurait une forme "simple, double, triple, et quadruple". Le mantra, révélé par son successeur, correspond a ces caractéristiques et reprend la tradition hassidique qui encourage la répétition d'une même phrase comme une forme de méditation.

Et le graffiti alors? J'ai fini par demander. Ses deux premiers mots ("Na Nach") sont lus en Yiddish comme une interjection "Maintenant, vers..." tandis que le dernier mot ("Meuman") peut être vu soit comme le nom de la ville ou repose le Rav Nachman, soit comme le mot hébreu pour "accrédité". La traduction la plus plausible donne donc "Maintenant vers Nachman venu d'Uman". Une invitation au pélerinage intérieur en quelque sorte.

Le graffiti "Na Nach Nachma Nachman Meuman" et son smiley attitré qui a rejoint les smileys de la version israélienne de MSN. Pour les linguistes en herbe, en hébreu, le "ch" se dit ici comme en allemand dans le mot "ach" et porte l'accent tonique, le "u" se lit "ou".

Leur coté loufoque en fait des personnages hauts en couleurs, un peu fous et perçus comme tels par la majorité des israéliens, mais tout à fait à leur place dans le fouilli des rues animées et parfois mystérieuses de Jérusalem la nuit...


5 juil. 2009

"Et au passé, ça se conjugue comment?"


L'ambiance de notre classe d'oulpan est similaire à celle de l'école primaire de Springfield. En grande cacophonie, un cortège hétéroclite d'étudiants, américains dans leur très grande majorité, s'achemine tous les matins depuis les portiques de sécurité. Armés de nos bouquins aux couvertures aux couleurs trop vives pour sembler sérieux, on entre dans la fac, pragmatiques sous le flash sporadique des touristes présents pour la visite de groupe, en s'imaginant enfin comprendre la complexe psyché du zèbre lors d'une prochaine visite au zoo...


En Bart Simpson: notre stéréotype ambulant, notre cancre local, fanatiquement à droite et tel une insolente pile électrique vraisemblablement médiquée au Prozac depuis le berceau. Il ne semble fonctionner que flanqué de sa copine, léthargique en comparaison, très maquillée mais à demi vêtue (et encore seulement de morceaux de tissus aux couleurs pastels marqués du sigle de sa "sorority"). Ils gloussent devant ses ongles nouvellement peinturlurés au vernis goût pastèque, c'est un produit "Rak be-Israel" paraît-il. "In Israel only". On veut bien les croire.

Arrivent ensuite un peu essouflés notre vraie mormone, notre jeune (et sexy) prêtre catholique italien, nos quelques autres élèves américains l'air toujours aussi ébahi, mais surtout, nos deux religieuses orthodoxes tout droit sorties de Manhattan, aussi ferventes en féminisme qu'en judaisme, qui prèchent la prière mixte et l'étude simultanée, n'en déplaise aux plus rétrogrades.

Leur pire ennemie? En version plus diabolique de Lisa Simpson atteinte du syndrome de Jerusalem, notre petite Gardienne de la Révolution locale dont la lecture biblique peu humaniste fait frémir l'autre prétendant au trône de l'élève parfait, un Zimbabwéen étudiant a Harvard, qui la toisant de son mépris semble s'absorber complètement dans son étude de la couverture du dictionnaire. Il se redresse dans son siège au premier rang déserté, imaginant sans doute la gloire de lumière divine qui se doit de l'entourer.

En retard cette fois, suit souvent notre unique élève russe, contemplant avec un rictus satisfait les éléments du déclin de l'empire américain. Puis, une américaine chrétienne born-again qui étudie en parallèle l'arabe et s'est érigée en égérie de la cause palestinienne, une jeune fille si discrète qu'on la penserait muette, une anglo-française bobo très sympatique qui mange bio et vote PS...

En fait nous ne sommes pas un mirroir si faussé que ça de la population estivale de ce pays...