29 nov. 2009

"Jerusalem ne sera pas Teheran!"


"Perle tu viens? Mais tu es (cshhhhhhhh) où?!? Ah... (cshhhhhhh) on est dans la manif (long cshhh) les haredim (cshhhh) viens (cshhhh)"

Après plus de trois mois de violents débordements shabbatiques dus aux haredim à Jérusalem, les gens normaux sortent enfin de leur hébètement. Aux appels du mouvement "Hitorerout" (reveil), de l'organisation des étudiants de l'université hébraïque, des associations culturelles, et d'une partie de la nouvelle majorité municipale, les hiérosolomitains, laïques comme religieux, battaient hier le pavé.



La municipalité a été portée au pouvoir par une coalition qui pour la première fois peut se passer du soutien des partis ultra-orthodoxes, dit "haredim", et s'emploie depuis à corriger l'image de la ville. Au prix d'une hebdomadaire bataille de rue avec une foule d'hommes en noirs caillassant la police des frontières. La tension dans la ville est montée d'un cran avec l'ouverture d'un nouveau front au siège de la firme Intel accusée - ô scandale - d'employer des Juifs durant le shabbat pour fabriquer les microprocesseurs de votre macbook. Une percée se ruant dans le siège voilà deux semaine s'était soudain transformée en un groupe de saccageurs sans foi ni loi, allant jusqu'à s'en prendre justement à la petite synagogue d'Intel amenant le nouveau maire à dénoncer le lendemain... un "pogrom"!

Sur les panneaux: "le mur est à tout le monde", "Libérez Jérusalem", "Sauvons notre maison" des habitants de Kiriat Yovel (oui, chez moi) dont la population autrefois absolument laïque se transforme peu à peu pour acceuillir de nombreuses familles de haredim poussées hors de Mea Shearim par la pression démographique. Les têtes porteuses de kippas abondaient dans le cortège. (Photos de Samuel qui redécouvre les joies des manifestations depuis qu'il n'est plus soldat)

Alors, ce défilé nocturne est un petit miracle! Plus qu'un rapprochement fugace, c'est une véritable alliance de groupes hétéroclites. Plus question de laisser la jeune et dynamique population s'enfuir loin des remparts! Hors de question de voir cette capitale se transformer en une petite Teheran...

26 nov. 2009

"C'est presque un roman familial du hummus"


Si vous aussi vous avez dans vos groupes facebook des ovnis saugrenus et "totally pointless" qui appellent à la réconciliation des oeufs brouillés et rejoignent une litanie de spirituelle prose digitale, vous êtes peut-être aussi un adepte de l'inénarable "i love hummus but i hate hamas". Et si ce n'est pas le cas vous avez raté le dernier épisode de la guerre ouverte que se livrent le Liban et Israel sur les droits de propriété intellectuelle de la recette du hummus.

Mobilisez vous gentils petits internautes, il s'agit d'un sujet existentiel, puisque la guerre par épisode avec nos voisins du nord possède un pan culinaire insoupçonné!

Offense suprême, le record du plus grand plat de hummus, tenu jusqu'au mois d'octobre par un vendeur du souk Makhane Yehuda à Jerusalem a été supplanté lors d'un évènement gigantesque à Beirut où des milliers de personnes étaient réunies pour y déguster un plat encore plus grand - pas de blague! Une recherche de base sur google dégage 261,000 ressources qui débatent très sérieusement de l'opportunité de la saisie de l'ONU (rien que ça!) par le Liban visant a empêcher la vente du hummus israélien sur les marchés internationaux...

Le tournant de cette histoire étant qu'un groupuscule palestinien en prend de la graine et cette semaine revendique a son tour ses droits sur la purée de poix chiche aussi bien sur le Liban que sur Israel. Pas difficile alors d'imaginer les guerres du humus en métaphore moderne du biblique plat de lentilles.

Je vous blogue ce post depuis la terrasse (chauffée) d'un Aroma aux portes du campus Har HaTzofim où Idan élucubre avec moi sur les origines du haloumi de notre salade - matière à la texture ô combien mystérieuse et dont le roman familial par contre semble moins polémique. J'espèrais vous y annoncer la prochaine libération de Gilad Shalit mais l'espoir n'y est plus. L'occasion de vérifier l'absence de consensus populaire sur l'échange de prisonnier annoncé puis démenti, au vu du débat animé qui s'amorce entre les tables du café.

15 nov. 2009

"Encore un peu de jachnoun?"


Les traces d'habitations dans l'ancienne Ashkelon remontent à l'âge de bronze. Les Canaanites, les Phéniciens, les Hébreux, puis les Romains transformèrent la cité en un rayonnant port antique avant qu'elle ne tombe dans l'oubli lors de la conquête mamelouke au temps des dernières croisades.

"Quand on était gamins, on traînait souvent sur le champ de fouille avec mon frère et on les voyait remonter des pièces par centaines..."

Adi m'entraîne vendredi dans l'Ashkelon moderne pour finir les courses avant que tout ne ferme, sa mère nous attend pour boucler les préparatifs de shabbat. Elle est fille d'une famille yéménite traditionelle, qui s'identifie fortement au secteur dit "Dati-Leoumi" (national-religieux). Fuyant les persécutions dans le golfe d'Aden, ses grands-parents ont immigré dans les années 50 et renforcé la communauté d'Ashkelon, alors encore balbutiante. La ville reconquise en 1948 compte aujourd'hui plus de 100000 habitants, même si sa proximité avec la bande de Gaza nous place tous à la portée d'une roquette du Hamas. Odeurs de jachnoun, de poulet aux raisins et de zaatar envahissent la maison...


Il y a quelque chose de spécial et d'un peu merveilleux dans cette famille restée à la fois si attachée à sa tradition, et pourtant si évidemment intégrée dans le magma de cette société qui se construit. Deux générations après l'aliyah, les vieux écoutent avec satisfaction la jeune génération qui conserve la prononciation bien spécifique des lettres gutturales et aspirées de l'hébreu qui depuis longtemps s'est perdue dans le reste de la population. Les prières aussi se font différement. On utilise l'ancien dialecte yéménite, très différent de celui des autres communautés séfarades mais réputé plus proche de l'Hébreu ancien, qui se transmet de pères en fils.

Kubaneh, piments forts, noix, helbeh et pitas au feu de bois... Dans la synagogue yéménite, chaque homme appelé à la Torah doit être capable de faire la lecture chantée du texte de la "parasha". Le petit Elia s'installe donc avec son oncle et son grand père pour apprendre le morceau de texte de la semaine chanté selon la tradition yéménite.

On se croirait bien loin de notre petit bout d'Orient... Dans un endroit ou encore règne la tradition orale, qui nous aussi nous fut transmise de la même facon, mais dans un salon parisien.