25 août 2010

"Au nouveau musée d'Israël"

 
Dans la file d'attente, une mère s'adresse en Anglais à des gamins dont les apartés sont en Hébreu, et qui soudain répondent à leur père dans un Russe parfait. Devant eux, des ados français en vacances, extirpés pour l'occasion par leurs parents des plages de Netanya, regardent incrédules la caissière d'origine éthiopienne qui ne les comprend pas. Un étudiant de Heidelberg me décrit en Allemand une exposition à Berlin où avaient étés exposés les fameux manuscrits de la mer Morte, et son désarroi de l'avoir alors manquée. Je souris et lui raconte, à grand renfort de signes et dans une langue émaillée d'Hébreu, m'y être justement trouvée. On rit de la coincidence. 
 
Dans le gigantesque sablier chromé qui trône devant le bâtiment de l'Art Moderne, les petites maisons blanches des collines environnantes se reflètent à l'envers. Enfin munis de billets, on contemple ce monde inversé, engourdis par l'air si sec qu'il en devient étouffant. Après 3 ans de travaux, le Musée d'Israël rouvre ses portes! 
 
Ses collections révèlent des surprises parfois incongrues, parfois dérangeantes, parfois émouvantes: une table champêtre sur une feuille de bois qui semble respirer sous l'oeil des passants, ou le cube de lumière grillagé d'une artiste palestinienne installée à Londres, une collection pléthorique (la première au monde!) d'oeuvres du mouvement Dada et des peintres surréalistes, une sculpture colossale d'un adolescent noir ("The Boy from South Tel Aviv") réfugié à Tel Aviv, ou encore une structure ("Space that sees"), cachée dans le jardin inachevé du musée, dont les jeux de lumière interpellent sur la place du visiteur dans cet espace sinon vide... L'aile réservée à l'art israélien reflète à son tour les contrastes d'une société toujours en mouvement. Je m'arrête devant une tapisserie tissée comme une vue aérienne du village de Nahalal, puis entre quelques affiches de propagande socialiste militariste des années 30, et reste interdite devant une photo d'Adi Nes qui s'approprie la vision classique de la Cène en y plaçant des soldats en uniforme vert olive. 
 
Impossible d'espérer tout y voir, quand retentit la sonnerie de la fermeture, je n'ai pas encore mis les pieds dans la section d'art juif, ni exploré les trésors des salles d'archéologie, ni même entrevu les pièces consacrées aux autres cultures méditerranéennes. Il faudra revenir donc, et je remarque d'ailleurs en sortant que le musée est gratuit pour les soldats. Je monte dans un bus vers le campus de Givat Ram, un dernier aller-retour pour y rendre les bouquins de biochimie empruntés avant les examens. Encore quelques semaines, le temps d'un passage éclair à Paris, et la page sera pour un moment tournée...
 


15 août 2010

"Destination Ailleurs"



Mardi, j'intervenais sur RTL pour l'émission estivale Destination Ailleurs qui évoquait Israël. C'était en direct, à 16 heures locales, et vous pouvez maintenant retrouver l'émission sur son site


  
Vous y apprendrez, au passage, que s'ouvre à Eilat le festival de Jazz de la mer Rouge, qu'on mange ici des falafels, que le nouveau musée d'Israël à Jérusalem est splendide, qu'on vit heureux, malgré l'insécurité parfois, et surtout qu'il y a bien autre chose à y voir que ce que le journal télévisé vous en a dit... 


12 août 2010

"Pluie de météores..."

  
Sans le vent qui secoue le télescope et fouette nos visages de son sable poussiéreux, l'instant serait presque parfait. J'ajuste la lentille, assez pour entrapercevoir les anneaux de Saturne tandis que le soir tombe, pendant que les autres s'acharnent à éteindre un lampadaire perdu, seul relique civilisée dans ces collines désertées. Entre les hauteurs, quelques lointaines lumières dansent dans l'obscurité - celles d'une colonie juive, d'une ville palestinienne peut-être, à moins qu'elles ne soient déjà jordaniennes. Qu'importe. Le noir s'épaissit, apparait peu à peu la voie lactée qui laisse soudain filer une étoile, illuminer le ciel un court instant, puis une autre. La première nuit perséide commence. 

Une myriade d'étoile semble éclairer une nuit sans lune. La pluie de météores annoncée est une légère bruine. Allongée à même le sol sur des nattes tissées, je laisse mon esprit vagabonder entre les constellations, oublie peu à peu les échos des paroles qui m'entourent, et les grattements des touffes d'herbe drue jaunie par la sécheresse. La décision est prise, c'est la bonne. Tout n'est plus qu'une question de semaines. Je rentre dans l'armée pour deux ans, probablement plus tôt qu'initialement prévu. Mon champ de bataille sera celui des idées. 
 
Je repasse dans ma tête les événements de ces derniers jours, les discussions nocturnes sans fin avec les copains, les cousins, et ma maman, justement de passage à Jérusalem. La tension accumulée s'échappe par vagues dans les bourrasques de vent frais. Je m'imagine en uniforme vert olive dans les rues de Tel Aviv, apprivoise doucement ce sentiment d'appréhension légère mêlée d'excitation. 
  

5 août 2010

"Tu crois qu'il y aura la guerre?"

 
"Tu crois qu'il y aura une guerre?" - nos volontaires étaient inquiets, on l'aurait été à moins. La frontière nord s'est embrasée mardi, lorsque des soldats libanais, brisant le fragile cessez-le-feu, ont tiré sur une force de l'armée qui opérait du coté israélien de la Ligne bleue¹ et tué un officier. Assez pour encore alimenter les prédictions pessimistes des experts auto-proclamés et laisser les discussions ces derniers jours tourner invariablement à la dissertation géopolitique. On s'interroge entre copains, non plus pour savoir si une guerre aura lieu, mais quand. L'ambiance à Jérusalem ressemble un peu à son climat. Chaud et lourd. 

1. Ligne bleue - une ligne tracée en 2000 par l'ONU après le retrait israélien du sud Liban. Elle sert de démarcation entre les deux pays, le long de laquelle patrouille la FINUL.