2 sept. 2010

"Quand même, ils exagèrent"

              
Dans la cohue des vacanciers à l'aéroport Ben Gourion, j'ai trouvé la file de sécurité pour l'enregistrement de mon vol, "c'est celle avec l'agent bronzé" a dit le préposé aux passeports avec un geste un peu dédaigneux, un éclat de jalousie fugace dans ses yeux océaniques. Trois petites questions, sortie du passeport israélien, dubitatif trois minutes devant les autorisations de sorties octroyées par l'armée, et verdict. "Directement au check-in". Les papiers d'une famille française dans la queue sont déjà entre ses mains, et moi je dépasse tranquillement ces gens attroupés entre une machine qui analyse le contenu de leur valise et les comptoirs du contrôle avancé.

Des lignes d'attentes pour l'enregistrement d'Air France, un petit garçon observe le hall du haut d'un charriot surchargé. "Papa, papa! Regarde des soldats américains!", l'US Air Force a du router une compagnie par Israël. Ils sourient, saluent tous ces mômes qui se sont précipités pour regarder, ébahis de les voir passer sur leur retour d'Irak. Deux scouts français s'entretiennent des chances du processus de paix qui reprend. "Rhhôôo, quand même, ils exagèrent..." - les familles bronzées extirpent leurs affaires du contrôle de sécurité, se narrent les péripéties aussi à l'arrivée, comparent les questions des agents, les prix des billets. Leurs ados se promènent fièrement avec des plaquettes à leur nom autour du cou, comme nos soldats. "C'est dur de partir", me dit une des mères à la vue de mon passeport, sans vraiment s'imaginer ce que voudrait dire rester. 
 
"PNC aux portes, armement des toboggans, vérification de la porte opposée"
 
Israël est un pays, c'est aussi un état d'esprit. Les vacances arrivent enfin, je retrouve la famille, les copains. Et pourtant déjà dans l'avion, un étrange sentiment m'étreint. Un pressentiment du fossé qui se creuse. Je suis l'information qu'ils regardent, déversée, transformée, formatée pour le journal télévisé. Je réponds aux questions sur la future troisième guerre du Liban, le réacteur iranien, le moral des soldats, l'emprise religieuse, l'inculture des laïques, les expulsions de travailleurs clandestins, les tractations pour Gilad Shalit comme si c'était moi qui les menait. Et toujours, la même interrogation qui revient. "Mais pourquoi, pourquoi tu habites là-bas?" - parce qu'il m'est inconcevable d'être ailleurs.
 
 
Ce blog et son auteur se délocalisent à Paris pour le mois de septembre!