29 juin 2009

"Cher(e) candidat(e), nous avons le plaisir..."


Fin de l'attente! Je commence le 18 octobre mon année scolaire à l'Université Hébraïque de Jerusalem en Sciences Médicales! La lettre d'acceptation reçue hier matin est déjà froissée à force d'être lue, revue, scrutée, décryptée, savourée encore et encore.

"Chère candidate, nous avons le plaisir..."

La ruse est finaude: les cours de première année sont identiques à ceux du programme de médecine et sont donnés en commun. A moi la vie étudiante des ruelles de la ville moderne, les trajets de bus farfelus au petit matin, le campus d'Ein Kerem, la biochimie, et les heures folles de la bibliothèque!

En attendant, il s'agit de satisfaire les prérequis de langue sur le campus de Har Hatzofim (Mont Scopus). L'été s'installe, les jours filent et défilent, entre grammaire moderne, structure verbale, presse écrite, et séminaires. Le vent sableux des montagnes de Judée souffle sous un soleil brulant. Les chats prolifèrent , ils se défilent et se faufilent, de nos classes aux jardins orientaux.

Entre 1948 et 1967, l'hôpital Hadassah du Campus Ein Kerem (à gauche), qui abrite la faculté de médecine, remplaça celui du campus de Har Hatzofim (à droite, au dessus de la vieille ville) alors en territoire Jordanien. Ce n'est qu'après la Guerre des Six Jours et la réunification de Jérusalem que l'université, fondée en 1925, a repris ses droits.

Pour tous ceux qui veulent y croire, ce campus est à la fois un lieu de coexistence pacifique et l'accomplissement du rêve sioniste d'une université où l'enseignement se ferait en hébreu. Entres ruines antiques, bâtiments modernes, vergers et pelouses, les groupes discutent en hébreu, en arabe souvent, en anglais parfois, quelle bouffée d'air! Frais arrivés, un peu perdus dans cet endroit sans ordre ni architecture propre, on se fond dans la foule des étudiants qui sortent de cours pour papoter tranquillement assis sur un reste de colonne d'époque romaine, sans plus lui accorder la moindre attention: finalement, c'est surement ça aussi l'intégration.

22 juin 2009

"Gilad est toujours en vie!"


C'est un triste anniversaire qui se prépare jeudi.

Il y a trois ans, le Hamas kidnappait Gilad Shalit, à quelques jours à peine du début de la seconde guerre du Liban... et voilà cette date du 25 juin qui revient, comme un rappel d'un échec collectif. Entre temps, les stickers, les drapeaux, les rubans jaunes, les graffitis, sont apparus partout. Pas une rue de Jérusalem n'est laissée sans un rappel que Gilad est absent, prisonnier dans Gaza, à quelques dizaines kilomètres à peine de nous.

Sur le raid meurtrier en territoire israélien, sur les négociations avortées qui ont suivi, sur les demandes et les réponses incohérentes, tout a été dit. Trois ans d'attente insoutenable ont passé pour la famille. Trois ans sans aucun contact, sans visite de la Croix-Rouge, avec comme seule preuve de vie un enregistrement vieux de 2 ans. L'épilogue tragique des négociations avec le Hezbollah l'an dernier est encore dans tous les esprits, et marque l'atmosphère qui entoure les négociations avec le Hamas.


Le dilemme moral reste entier.

Faut-il plier? Échanger un soldat contre des centaines de prisonniers? N'est-ce pas alors encourager les milices palestiniennes à plus de kidnappings? Et que dirons-nous aux proches si, comme ce fût déja le cas dans le passé, un de ces prisonniers fraîchement relaché s'empresse d'exploser dans un supermarché? Doit-on pour sauver un seul mettre en danger la vie de tous? Comment justifier aux familles des victimes des attentats de libérer soudain ceux qui ont assassiné leurs enfants?

Ces enfants, c'est moi. C'est mon voisin, c'est un copain en retard pour un cours qui monte dans le bus, une passante qui fait ses courses, deux amoureux sur une terrasse...

Doit-on abandonner ce soldat sur le terrain, au mépris du contrat tacite entre l'armée et la société qu'elle défend? Laisser croupir dans Gaza un garçon de 22 ans et s'efforcer de l'oublier? Un soldat que nous avons envoyé défendre les localités autour de la frontière? Qui est, comme le dit le sticker au-dessus, "toujours en vie"? Faut-il se résoudre à accepter qu'on puisse, de fait, en terrain israélien enlever un soldat, puis un civil?

Ce soldat aussi c'est moi! C'est un copain qui finit son service militaire, un autre qui est rappelé pour un mois de réserve, une étudiante de ma fac, le serveur du café du coin, le fils de la voisine...

Peut-on tenter de forcer la main du Hamas par un siège complet de Gaza? Faudrait-il couper l'eau, l'électricité, le téléphone, le gaz? Bloquer les convois humanitaires, isoler de tout contact les prisonniers palestiniens en Israel? Où est notre sens éthique de base, s'il s'agit de punir collectivement une population déjà éxangue? La dernière guerre de Gaza porte cet enseignement crucial: nous ne pouvons pas penser que la population qui ne s'est pas en janvier retournée contre le Hamas le fasse maintenant.

Alors que faire?

Un choix. Notre intégrité morale en sera compromise quel qu'il soit. Pour ceux qui sont en Israël, la famille Shalit appelle au rassemblement à Tel Aviv jeudi à 19 heures.


18 juin 2009

"On prend un sac étanche pour l'appareil photo?"


Le mouvement sioniste s'est d'abord développé au sein des mouvements de jeunesses juifs allemands, et l'éducation traditionelle israelienne en est encore aujourd'hui très influencée. Que ce soit au sein des Kibbutzim laïques, dans les colonies de Cisjordanie ou dans les agglomérations du pays, les jeunes israéliens sont encouragés très jeunes à rejoindre un mouvement, et à renforcer en groupe leur lien et leur responsabilité face à la terre et à l'eau.

Par conséquent peut-être, Israel est un des pays au monde dont la portion de territoire allouée aux reserves naturelles est la plus importante. Les enfants israéliens sont éduqués dès la prime enfance à la conservation de l'eau, au respect de la faune, et à la fragilité de la nature... des thèmes écologiques finalement très nouveaux et récemment porteurs en Europe!

Deux chemins très connus, le "Shvil Israel" (Sentier d'Israel) et "Yam-leYam" (De la mer à la mer) permettent de descendre le pays du Nord au Sud, ou de traverser la largeur du pays du lac de Tibériade à la Méditerranée. Dans un pays minuscule, il est souvent possible de commencer d'un paysage caillouteux lunaire pour s'enfoncer dans des gorges ombragées avant de trouver une source naturelle descendant d'une plaine à l'herbe jaunie par le soleil, ou de descendre un ruisseau le long des chemins tortueux d'une montagne verdoyante couverte des ruines d'anciennes citées romaines, grecques, juives et arabes, jusqu'aux arides dunes du Desert de Judée...

Partis avec Arié, Tal, Adi et Daniel mardi matin de Jerusalem pour le Golan, nous avons descendu la rivière du Yehudiya dans une faille rocheuse qui serpente le long d'une vallée asséchée. Au milieu des roseaux, des palmiers, des herbes folles, portés par les chants des oiseaux, le ruisseau s'elargit parfois pour former des piscines naturelles très profondes qu'on traverse à la nage à l'ombre des rochers qui les protègent, avant que la rivière ne tombe alors en cascades plus bas, pour le plus grand plaisir des randonneurs affrontant la fournaise de ce début d'été...


15 juin 2009

"Galei Tsahal, Il est 10 heures et voici les nouvelles"


Netanyahu s'exprimait hier soir depuis l'université Bar-Ilan pour définir dans un discours très anticipé sa vision en vue de futures négociations avec l'Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas... Les échos de Galei Tsahal (les "ondes de Tsahal", la radio nationale, opérée par l'armée et destinée à l'information du public et des soldats) nous parvenaient de tout le voisinage.

Mais au final, rien de nouveau, il n'a rien dit! Les commentateurs en sont réduits a compter la récurrence des mots dans son discours (47 fois "Paix", 3 fois "Juif/Israel", 33 fois "Palestiniens", 1 fois "Islam", etc etc) et personne, sauf peut être Obama, n'est satisfait. La gauche est tout naturellement très déçue, Kadima (le centre de Tzipi Livni) se sent trahi par un discours qui lui emprunte beaucoup et déforme ses thèmes de campagne, et la doite hurle au scandale. L'Autorité Palestinienne, de son coté, appelle dans un bel exemple d'irresponsabilité à la lutte armée pour protester la demande de reconnaissance d'Israel en tant qu'État Juif.

L'idée de base est la suivante: deux états pour deux peuples, mais pas d'armée palestinienne, pas de division de Jerusalem, pas de retour des réfugiés autre que dans le nouvel état palestinien. Ironiquement, ces points sont pratiquement identiques à la platforme des débuts de négociation précédents, mais ne conviendraient que prononcés par un autre. Obama a soulevé tellement d'enthousiasme chez les Palestiniens et tellement d'acrimonie en Israel que chacun semblait presque attendre un miracle.


Seulement voilà, leur miracle peut être notre cauchemard. Et vice versa... Sans rentrer dans plus de discussion politique, je vous laisse apprécier une affiche nauséabonde placardée devant le consulat américain de Jerusalem Ouest. On est bien partis.

7 juin 2009

"Shabbat shalom"


Retour à Jerusalem. Les cafés ont fermé en début de soirée vendredi, au son de la sirène annoncant le début de shabbat, étonnament reminiscente de celle qui a sonné mardi matin pour l'exercice national de sécurité civile. Tout le pays est alors descendu dans les abris pendant 10 minutes, sauf quelques-uns dont moi, prise de surprise dans la douche. Comme un rappel de la fragilité de notre quotidien pourtant si normal et si ordinaire.

On sent le vendredi après-midi une effervescence particulière à Jerusalem. Les conducteurs s'agitent, les familles sortent du souk chargées de caisses de fruits et légumes. Les portes des jardins sont ouvertes, les familles font du pain, écoutent la musique qui peu à peu remplace les programmes sur la majorité des stations, appellent amis et proches, nettoient les maisons...

Et puis vient le calme qui doucement descend sur la ville. Le soir tombe. On croise des familles en blanc qui se rendent entre voisins à la synagogue du coin, ou chez des amis pour le repas. Le traffic s'arrête peu à peu, et des barrières sont déployées sur les routes dans les quartiers religieux.


Dès le samedi matin, les gamins déambulent en bandes dans les rues, les ados rejoignent leur mouvement de jeunesse ou se regroupent dans les parcs, souvent envahis par des familles qui s'en vont faire la sieste lorsque la chaleur devient trop étouffante. On parle, on se repose, on dort. Les promenades de Jerusalem, notamment la fameuse "Tayelet" et sa vue imprenable sur la vieille ville, se remplissent de poussettes et de cerfs volants.


Un coup d'oeil à droite, un coup d'oeil à gauche, et c'est pourtant une vraie leçon de géopolitique qui se déploie sous nos yeux. Des bords de l'Ouest, nous voyons les quartiers Est et, pas aussi loin qu'on ne la voudrait, la barrière de sécurité, qui longe ici les villages arabes aux abords de Jérusalem...

Et puis finalement arrive la nuit, et shabbat "sort" comme le disent les Israéliens. Les cafés de nouveau se remplissent, les terrasses des restaurants sont prises d'assaut, les klaxons envahissent les rues. L'été arrive à Jerusalem. On nous sert des boissons très froides, pleines de glaçons, mais les serviettes sont chauffées. On reste frileux, les nuits sont fraiches.

1 juin 2009

"Vol Egyptian Airlines pour Larnaka"


A l'aéroport du Caire, le service de sécurité d'El Al se met en place avant même le premier contrôle des passeports durant l'enregistrement. Sachant qu'il n'y a aucun vol vers une destination européenne dans l'heure précédente et l'heure suivante, on peut imaginer que n'importe quel voyageur occidental présent dans l'aéroport est un passager en partance pour Israël. Il leur suffit donc d'approcher chaque touriste se déplaçant vers la zone de contrôle pour l'encadrer et procéder au check-in. Pas même besoin de passer par la douane, un policier egyptien tamponne passeports et cartes d'embarquement de manière à permettre un passage direct vers la zone d'embarquement.

Mais là, surprise! Les tableaux de l'aéroport indiquent que le vol de Tel Aviv part de la porte 7 à une heure éronnée. Et à la porte 7, une femme de ménage (qui est en fait une agente de sécurité égyptienne) indique aux passagers en partance pour Tel Aviv de façon discrète que leur vol partira en fait de la porte 9, qui très logiquement indique un vol fictif d'Egypt Air pour Larnaka (à Chypre) qui n'est mentionné nulle part ailleurs. Bref, c'est très rassurés qu'on est alors pris en charge jusqu'à l'avion par une armada de flics égyptiens armés jusqu'aux dents.

Une heure de vol plus tard apparaissent enfin les lumières de Tel Aviv. Je suis rentrée...