22 oct. 2010

"Date d'entrée: 20 décembre"

l  
Sur un mur du sud du quartier Florentine, entre deux portes de garage rouillées.
 Pour mieux voir toutes les photos en grand, cliquez dessus!
 
Les usines de bois crachent leur poussière de suie, l'odeur du bois coupé flotte au gré du vent marin de Tel Aviv, se mêle à l'arôme subtil des clémentines dorées par les rayons d'automne. Passé les derniers klaxons, le silence des ruelles artisanales du sud de Florentine n'est entrecoupé que du bruit des scies. Les murs prennent vie. Tags, collages, graffitis et pochoirs envahissent peu à peu chaque pouce d'espace, les façades de crépit se remplissent de couleurs vives, de dessins facétieux et de contrepèteries provocatrices. 
 
 
Dans les ruelles  aux abords des ateliers des artisans de bois, près du port Jaffa.
 
Ma mobilisation est repoussée à fin décembre. D'ici là, patience! Personne semble ne pouvoir répondre à une liste de questions toujours plus longue. Dans une réunion organisée par le centre Michael Levine pour les Soldats Seuls, je découvre l'ampleur des démarches à entreprendre pour obtenir les aides accordées par les différentes administrations aux mobilisés sans famille dans le pays. Mais impossible - évidemment! - d'avancer quoi que ce soit avant l'entrée à l'armée. 

En attendant, les vacances s'éternisent. Assez pour profiter encore un peu du sable brulant au pied des vagues tout en contemplant très sérieusement l'opportunité d'un cours de surf sur l'année. 

 
On parle de ce blog sur la toile! C'est ici, sur le blog d'Astrid, une prof de Français installée au Mexique. Et puis sur le blog du voyageur du moteur de recherche Liligo, , pour une virée détaillée aux alentours de Jérusalem et dans le nord du pays!


14 oct. 2010

"Une et indivisible"

 
Si le nom de Jérusalem en Hébreu utilise la sonorité propre à la forme grammaticale du duel, c'est peut-être parce qu'elle est toujours insaisissable, comme si même une fois arpentée, apprivoisée, restait toujours une moitié mystérieuse, surprenante d'inconnu. "Yeroushalayim" - un nom double, comme celui qui désigne les yeux. Un mois à Paris aurait presque su faire oublier: notre conflit est partout, tellement intégré, qu'il n'est plus évident nulle part. 
 
Alors que les discussions de comptoir vont bon train sur l'intransigeance de notre gouvernement face aux demandes américaines de gel des implantations à Jérusalem et le refus des Palestiniens à reconnaître la judéité du pays, de nouveaux autocollants couvrent les voitures tandis que les vieux sont recyclés. On colle à nouveau des slogans politiques sur les arrêts de bus, des programmes entiers contenus dans une phrase courte, assez évocatrice pour signifier toute une politique.
 
Vus sur les voitures et panneaux de Jérusalem cette semaine: à gauche, distribués par Shalom Arshav, "les (vrais) sionistes ne colonisent pas"; à droite, "Hebron, depuis toujours et pour toujours".
 
Mais de quelle dualité parle-t-on? Et de quelle unité? La tradition juive imagine la ville comme une cité double, construite d'une partie terrestre et d'une autre céleste, loin des convoitises et conflits humains. Le slogan même des soutiens de son indivisibilité - "Yéroushalayim A'hat!" - porte en lui une contradiction linguistique. Tout en proclamant l'unité de la ville, il admet sa dualité, ne serait-ce qu'étymologiquement. Entre ville moderne et vieille ville, partie arabe et moitié occidentale, chacun participant à une situation inextricable, les contrastes semblent à eux seuls définir l'espace urbain. D'aucuns disent que Jérusalem rend fou. Elle en bouscule plus d'un de son charme fascinant, de sa lumière particulière, de ses opposés souvent complémentaires.
  
Perchés sur le toit de l'Hospice autrichien, au coeur de la vieille ville, j'explique à des amis de passage l'étrange phénomène des réservoirs d'eau. Les firmes israéliennes les recouvrent d'un revêtement blanc, tandis que les marques arabes laissent apparent le métal de couleur noire. Ainsi, profitant de la vue donnant sur les quatre parties de la vieille ville, il est possible de mesurer combien les populations sont mélangées, parfois malgré elles, dans l'enchevêtrement de constructions d'une vieille ville presque entièrement absorbée dans la contemplation de sa propre sainteté.

Les environs de la Via Dolorosa, depuis l'Hospice autrichien à quelques pas du couvent de l'Ecce Homo...

Et pourtant, rien ne serait moins aisé que de conclure que la division de la ville est naturelle. Le nom même de la ville est sujet à controverse, rajoutant un degré au paradoxe. Ainsi, faut-il lire plutôt "Yeroushalayim", qui littéralement pourrait se décomposer pour signifier double héritage, ou héritage de paix? Ou bien "Yeroushalem", tel que le fait l'Hébreu biblique, dont le sens alors diffère significativement? Entre le mot paix ("shalom") et le mot complet ("shalem") il n'y a en Hébreu qu'une voyelle de différence. Pour Jérusalem, il s'agira à moyen terme d'un choix aussi crucial que chargé de sens.