26 févr. 2010

"Au bout du monde, encore un peu à gauche"


Entre Haifa et Tibériade, Karmiel. Sof ha-olam, smâlla comme le disent si bien les israéliens: non seulement au bout du monde, mais encore un peu plus loin à gauche. C'est l'archétype du bled, l'example parfait du trou perdu, l'idéale représentation de la petite bourgade dans sa version post-moderne. Un mall à l'américaine, une station Magen David Adom, un centre d'absorption¹, quelques écoles, des champs, et des villages arabes tout autour. Bienvenue en Galilée! Les coquelicots fleurissent sur les montagnes avoisinantes et tranchent d'un rouge vif le vert printanier de la campagne méditerranéenne.


Il y a des semaines qui marquent le passage d'une époque, et 10 jours d'instructions pour le Magen David Adom, transforment souvent autant l'instructeur que ses élèves. Entre séances de bandages dans l'abri anti-aérien, entrainements aux réanimations sous le soleil, vérifications de l'ambulance, activités sportives en respirant par une paille afin d'illustrer le mécanisme de l'asthme et questions nocturnes, certains d'entre eux se sont découverts plus sérieux, plus capables, plus assurés qu'ils ne l'imaginaient. D'autres se sont questionnés, pourquoi sont-ils là? Faut-il rester? Ou rentrer en France? Que sont ils venus chercher? Comment doit fonctionner un groupe? Nos participants, engagés dans un programme d'exploration personnelle pour jeunes francophones en Israel, cherchent cette année leur propres réponses aux questions identitaires qui parfois les taraudent.


Alors à nous de fournir des bases de réflexion. Eh oui, nous. C'est Liora, qui enseigne avec moi, qui me le fait remarquer. J'ai franchi le pas, 9 mois après ma propre arrivée, je fais maintenant partie des israéliens. On parle donc de sionisme, d'études, de politique, d'aliyah, d'armée, autant que de pneumothorax et de tamponnade cardiaque.

Difficile de leur promettre dans ce pays autre chose que l'épique traversée d'un champ de roses. Les couleurs y sont magnifiques, leur beauté enivrante, et le parfum subjuguant, mais entre épines et piquants, se glissera sûrement à fleur de peau une discrète écharde qui ne se laissera plus oublier. L'essentiel est de continuellement faire fleurir l'espoir de prolonger toujours plus le précaire équilibre de leurs subtils pétales.


1. Centre d'absorption - Un centre d'accueil pour nouveaux immigrants. Ils reçoivent notamment les nouveaux arrivants de pays comme l'Ethiopie, l'Inde, l'Iran, le Yemen, pour accompagner leur acclimatation à la vie israélienne et l'apprentissage de la langue, mais aussi des jeunes bénévoles de toutes nationalités venus en Israel pour une période de volontariat. L'acceuil et la propreté sont variables, la nourriture y est invariablement déplorable...

4 févr. 2010

"C'est ça la neige?"


"... une couche d'os cortical recouvre finement la partie d'os spongieux au niveau de - détour par le dictionnaire - l'épiphyse. La plupart des fractures se font à - nouveau recours au Larousse bien aimé - la jointure avec la diaphyse. La cavité médullaire enferme la moelle épinière... "

La morne période des révisions est troublée par la météo. En Israel, la neige fait partie de ces événements qui ouvrent les informations. La voix grave du présentateur de la radio semble presque trahir un sourire enfantin. Il neige! En prévision, nous dit-il, les écoles du nord étaient fermées et Jérusalem avait importé des camions déblayeurs en renfort de Tel Aviv, où ils ratissent habituellement le sable de la plage. La moitié de la classe n'est donc pas rentrée chez elle le temps du weekend pour s'assurer de ne surtout pas la manquer.

Mais en fait de tempête de flocons, nous sommes réveillés par les cris émerveillés des enfants qui jouent sous un petit crachin d'eau congelée! Le miracle de Jérusalem transformée par la magie hivernale en un Montréal oriental n'a pas eu lieu. Les sols se couvrent d'une fine couche de poudre blanche bientôt fondue, puis balayée par quelques giboulées de grêle.

Si les chutes venaient à forcir c'est toute la ville qui s'arrêterait. Pas d'école, plus de bus, pas d'administrations, plus de routes, pas de cours... et pas d'examen non plus? On peut toujours rêver, après tout on nous prédit un refroidissement dès cette nuit. L'hiver qu'on annonçait moribond se rappelle à nous. Si seulement la neige pouvait couper du monde l'hôpital, empêchant dimanche matin la tenue de cet épineux examen d'anatomie!