31 mars 2010

"L'an prochain à Jérusalem"


Jérusalem s'éveille à nouveau lundi soir, son doux vent efface peu à peu les odeurs de feux de bois et de viande grillée. Sous un ciel indigo, les nuages éparses prennent une teinte bleutée et le chant des oiseaux trouve un rythme dans les soupirs des casseroles sur le feu. La radio finit par se taire, et déjà les convives se pressent autour de la table du Seder¹. Pessah' est une fête joyeuse, jubilatoire presque.

"A chaque génération, à chacun de s'imaginer que lui même est personnellement sorti d'Egypte."

Si la Hagada² commence comme un conte didactique, retrace les péripéties puis la libération des Hébreux et la naissance du peuple juif, elle commande aussi à chacun de considérer le prix de sa propre liberté. Mais ici, de s'imaginer il n'est pas vraiment besoin. Qu'ils soient venus d'Allemagne, de Pologne, de Russie, d'Irak, de Tunisie, de Lybie, de Turquie, d'Ethiopie ou du Yemen, chacun lit entre les lignes de sa propre histoire. Nos ancêtres étaient esclaves d'un Pharaon. Nous sommes libres, ici, à Jérusalem...

Très vite, on a faim, et l'histoire dure, encore et encore! Défiant toute logique, nous sommes passés à l'heure d'été pour justement marquer le début du printemps, l'heure se fait tardive. On boit quatre coupes de vins, disserte sur la signification de chaque mot, les langues se délient, on mange trois petits bouts de matsa³, du celeri trempé dans de l'eau salée, avant qu'enfin arrive le repas et l'agneau aussi croquant qu'il devait être craquant. Et ce n'est que le début! Car le récit se poursuit par une pléthore d'actions de grâce et de chants.

"L'an prochain à Jérusalem!"

L'injonction sera entendue dans les maisons juives du monde entier. Oui, mais nous? Puisque nous y sommes déjà, la version traditionnelle rajoute l'adjectif "reconstruite". Le Mont du Temple n'étant pas vraiment entre nos mains et la construction en ces lieux hautement polémique, ma Hagada évite l'écueil de façon merveilleusement subtile, et rajoute, elle, un espoir d'apaisement dans une ville "pacifiée". Le miracle ne serait pas moindre.


1. Seder - le mot signifie "ordre" et réfère ici au repas de Pessah', régit par un ordre très précis.
2. Hagada - le livre qui contient le récit de la sortie d'Egypte ainsi que les commentaires talmudiques qui l'accompagnent.
3. Matsa - le fameux "pain azyme", ou la galette non-levée mangée pendant les 8 jours de Pessah'. Chaque matsa est parcourue de pointillés aussi intriguants qu'inutiles puisque l'expérience prouve chaque année l'impossibilité de la casser en ligne droite. Pour voir à quoi ça ressemble...