C'est le GPS qui pose la question, en route vers l'implantation de Qedar, au sud de Maale Adoumim. Dehors Jérusalem semble enfin libérée de sa froidure hivernale. Le désert est vert, les dernières pluies auront suffit à faire fleurir les monts de Judée, d'habitude râblés par la sécheresse. Les chèvres des bédouins broutent les touffes d'une herbe éphémère sur la crête des collines. Dans l'air doux du petit matin, chemises en coton et shorts, nous lestons nos sacs de copieuses réserves d'eau.
Aux abords du chemin, un berger laisse paître son troupeau. Sur les bords de la piste, le désert est fleuri.
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Nous voilà partis pour 20km de marche sur la piste poussiéreuse qui nous mène aux creux des ravins, au delà des étendues vides de cailloux de la vallée du Kidron, dont la quiétude absolue n'est troublée que par les aboiements sporadiques des chiens des villages bédouins dont les enfants descendent observer l'étranger sous le regard veilleur des femmes, dissimulées par leurs amples vêtements et voiles noirs. A califourchon sur son âne, un cavalier téméraire nous suit quelques centaines de mètres, réajuste un keffieh bleu turquoise avant de rebrousser chemin vers les baraques de tôle en contrebas. Pas de route, pas d'électricité. Pas d'eau courante. Mon téléphone ne capte plus aucun réseau.
Il faut traverser la rivière sur un pont de fortune. Ses flots polluées tourbillonnent et charrient sacs plastiques et eaux usées, loin des campements d'une population à peine sédentarisée, vers les filtres en aval, avant que le Kidron ne se jette dans la mer Morte. Le ravin se creuse, suit l'ouverture béante d'une faille entre les arêtes pierreuses, découvre les cavernes cachées dans les courbes de chaque mont rocailleux. Les circonvolutions de la piste nous portent vers les hauteurs, jusqu'à déboucher enfin sur un premier point de vue. Accroché au roc, le monastère St-Sabbas des moines grecs-orthodoxes se dresse à flanc de montagne, baigné par les rayons d'un soleil insolent.
Le vieux moine Sabbas (dont le nom est dérivé du mot hébreu "sabba" pour "grand-père") vivait en ermite dans les grottes de la Palestine byzantine, avant d'être nommé archimandrite¹ des monastères de Judée, et de codifier le premier rite monastique destiné aux églises de byzantines, le Typikon de Jérusalem. Dans son couvent - aujourd'hui le plus vieux cloître habité au monde - un groupe de moines grecs veille jalousement sur ses traditions, enfermé dans un monastère dont les femmes sont soigneusement tenues à l'écart, servis par les fils des familles de bédouins des environs.
Sur une crête à proximité, un arabe palestinien scrute le lointain, protégé par une ombrelle. Le regard se perd dans les rondeurs verdoyantes, le vent agite les branches torturées des oliviers, il est temps de repartir.
De nouveau, il faut gravir les montées, dégringoler des escaliers creusés dans la pierre, s'aventurer sur un pont de bois peu stable, traverser les plateaux, conquérir les sommets. Sous les caresses d'une brise printanière, nous laissons les paysages presque irréels de nature apaisée derrière nous. Demain, retour à l'armée.
1 - Archimandrite: un terme grec, propre à l'église byzantine, donné pour honorer un moine supérieur, responsable de plusieurs monastères.
4 commentaires:
Like! J'inscris ca dans la liste (qui s'allonge!) des trucs a faire quand je viendrais. Mais c'est pas un peu dangereux de marcher en Cisjordanie?
Tout dépend à qui tu poses la question... Comme partout ici, et particulièrement dans les territoires palestiniens, il faut jauger avec responsabilité les conditions du moment. Dans ce cas précis, un des membres de notre groupe était armé, même si à postériori, je ne pense pas que ce soit nécessaire.
C'est un vrai plaisir de vous retrouver! Il est bon de lire des descriptions aussi humaines d'une région si secouée ces derniers temps. Une question cependant car je remarque que vous avez ajouté un mot-clef "Chrétiens d'Israel". Il m'avait semblé comprendre que ce monastère se situe au delà de la ligne verte. Dans ce cas pourquoi ne pas qualifier ses moines de "Chrétiens de Palestine"?
Un beau texte, une densité de détails qui nous fait découvrir cette endroit inconnu. Le journal Libération ne sait pas trompé sur votre style d'écriture tout en nuance!
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