Il est 18 heures à Jérusalem, Shavouot approche, une soupe verte qu'on servira tiède mijote encore a petit feu, le frigidaire est rempli de fromages locaux divers. Les explications varient d'une maison à l'autre, mais la fête, qui célèbre le don de la Torah et des Dix Commandements sur le mont Sinaï, est en général célébrée avec un repas lacté. La ville souffle, se décrispe. La radio retransmet le concert de Balkan Beat Box dans un kibboutz excentré. Les magasins ferment peu à peu, la circulation se calme, la fac fait le pont et s'arrête jusqu'à dimanche, presque des vacances!
Au sortir d'une promenade dans la vieille ville, nous nous égarons dans les ruelles du quartier juif, grimpons sur les toits du shouk arménien, contournons des arches antiques, longeons une passerelle perchée aux bords d'une yeshiva² orthodoxe, descendons un escalier abrupte vers les allées biscornues du secteur musulman, frissonnons sous la brise à l'idée de s'être perdus, avant de nous retrouver enfin à l'une des entrées vers la basilique du St-Sépulcre. Giora veut encore voir la fameuse vue depuis la Tayelet, Elea conduit, on écoute sur le chemin du Chopin remixé par un groupe russe fenêtres ouvertes, il est maintenant 19 heures à Jérusalem.
Entre les oliviers et les cyprès de la Tayelet, sous un ciel nuageux...
Nous tournons vers la "Moshava HaGermanit" (la colonie allemande) fondée au 19ème siècle par la société des Templiers, une communauté protestante sectaire ralliée au pouvoir nazi durant la guerre, finalement expulsée vers l'Australie par les Anglais du Mandat Britannique¹. Le quartier est le fief des jeunes "Srougim" - l'expression désigne les religieux modernes dont la kippa tricotée apparaît colorée en comparaison de celle noire veloutée des orthodoxes traditionalistes. Sionistes, éduqués, engagés, nationalistes parfois, élitistes souvent, ils dominent ce coin de ville aussi branché qu'historique. Presque 20 heures à Jérusalem, une longue sirène annonce le début de la fête. Chemises blanches et robes claires, les familles déambulent, les petites filles coiffées de fleurs jouent devant l'entrée des synagogues.
Il est tard à Jérusalem, ou peut-être est-il tôt déjà... Je repense aux lectures de ces derniers jours. Une faim vorace de lettres m'a lancée dans une quête assoiffée à travers les étagères de la bibliothèque bilingue de Danièle et Kobi, délaissant un temps ma lecture en Hébreu de David Grossman pour un bouquin d'Amos Oz avant de dévorer soudain en Français les livres de Michel del Castillo. Je me plonge dans sa mélancolie d'une Espagne chimérique, passionnément désirée, ses rêves d'un pays lyrique, brûlant, fanatique, éclatant, une terre de natures impétueuses et de fiertés inhumaines. Et surtout, ce doute toujours, et si cette patrie n'existait vraiment qu'en songe...
1. Mandat Britannique - la Palestine mandataire qui désigne la Jordanie, d'Israël et les territoires palestiniens sous contrôle britannique de 1920 à 1947, était le nom donné par la SDN au statut politique de la région, où le pouvoir britannique se devait d'établir un "foyer national juif" selon la Déclaration Balfour. Pour en savoir plus, cliquez ici.
2. Yeshiva - une maison d'étude de la Torah et du Talmud, ainsi que de leurs commentaires, par groupe, en binome, ou sous l'égide d'un rabbin.
2 commentaires:
Un pirate blogueur te piques tes textes?
vous faites ed la bio mol jusqu'à quelle année ?
Tu es en medecine?
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