9 août 2014

"C'est la guerre"


J'ai été mobilisée pour l'opération Bordure Protectrice. C'est une guerre. Ce site reprend exceptionnellement du service pour garder une trace de posts laissés sur la page facebook du blog, au gré de mes allers-retours à l'armée. 

Jeudi - 10/07/14

Ordre de mobilisation. C'est tombé entre deux projets de soirée et en pleines révisions. J'ai extirpé mon uniforme du fond du placard, et préparé un sac pour trois jours. Tsahal a lancé une opération aérienne à Gaza pour faire cesser les tirs. On verra...

Vendredi - 18/07/14

C'est la guerre. Mon 8ème jour en uniforme. De nouveau.

Fierté. Fatigue. Détermination. 

Devant Gaza, de Jérusalem ou de Tel Aviv, soudain devenues aussi part du front, les pensées s'entrechoquent. Que nous tous, soldats réservistes et conscrits, rentrions à la maison entiers. Que les civils, ici et là-bas, soient épargnés. Que ça se finisse. Vite.


Dimanche - 3/08/14

Les jours s'enchainent. A peine le temps de contempler nos vies chamboulées. Cette semaine j'ai grimpé dans un bus pour le sud. Un bus sans numéro, plein de soldats, dont la destination était écrite à la main sur une page blanche: Gaza. Un réserviste portait une guitare en bandoulière d'un coté, et son M16 de l'autre. Sous nos uniformes verts, tous pareils, formes fondues dans le sable et le vent parfois, nous sommes des êtres humains. Et la guerre n'efface pas l'humain, elle l'exacerbe. Nous enfouissons nos pensées sombres au creux de nos uniformes. 

J'ai pensé qu'après cette guerre, rien ne serait plus jamais comme avant. Et puis, du fond du bus, le soldat a gratté quelques notes. On a chanté des chansons d'amour en roulant vers le front. On a chanté pleins d'espoir jusqu'à oublier où nous allions. 

Ils y sont toujours. Certains dans Gaza, d'autres dehors, sûrement. Et moi, de retour à Jérusalem. Toujours en uniforme... Que la guerre est laide! Elle est pleine de cynisme, de rage, de peurs, de destructions, de ruines, de violence, de larmes. Et pire: en face, aussi, ils sont humains. Je refuse de les haïr. C'est peut-être déjà une victoire. 

Reste à ne pas cesser d'espérer que ça se finisse. Vite.

Samedi - 9/08/14

Ca fait maintenant un mois. Il a duré comme une vie.

Le cessez-le-feu a presque tenu jusqu'au bout. J'ai fait tomber tous mes murs de pragmatisme froid pour y croire. J'ai abattu des murailles intérieures pour vivre l'espoir qu'on en aie terminé. Je me suis presque convaincue. Mais les tirs ont repris vendredi.

Ma fac y avait cru, pourtant. Un mail un peu incongru, reçu quelque part dans le sable dans le sud nous a transmis combien l'université était heureuse que nous rentrions "tous vivants". Il nous informait au passage que la session spéciale des examens universitaires commencerait cette semaine. Sans transition.

Moi, je rêve d'une île déserte, de rizières et champs de thé à perte de vue, d'érables rougeoyants devant un lac perdu et de temples engloutis dans une jungle épaisse. Je rêve de très loin. Coincée ici par la guerre, j'ai annulé mon billet pour l'autre bout du monde. Qu'importe. Je rêve d'autant plus libre de contrées apaisées, de paysages silencieux, de sables émouvants. Et au fond de moi, je rêve juste de retrouver ma vie d'avant.

Sauf qu'on est pas rentrés... et que la guerre continue.

Nos vies attendront encore un peu. On sifflote la chanson du clip du Hamas en hébreu diffusé depuis de la guerre. C'était censé nous faire très peur mais le remix pop est en passe de devenir le tube de l'été. Quand tout sera fini, on sortira dans un bar branché de Jérusalem danser dessus pour oublier. Et puis, s'il faut un détour à la bibliothèque avant de s'échapper, on ne sera plus à ça près. Alors on continue d'espérer que ça se finisse. Au plus vite, cette fois.




8 commentaires:

KACMOI a dit…

CONTRE L4OCCUPATION NAZISIONISTE RESISTANCE! RESISTANCE!

Resistance Palestine a dit…

Honte au sionistes de merde! Israel assasin!

Perle a dit…

Ah, les trolls sont là. La profondeur de vos arguments et ce soin pointilleux pour l'orthographe dans vos commentaires servent absolument votre cause...

philsendek a dit…

A la différence des deux premiers messages, ce journal est très beau parce qu'il montre que l'important est de rester humain et non pas fanatique.

JdeParis a dit…

Merci Perle , de prendre le temps de rédiger ces lignes , toujours magnifiques , entre rêve et réalité , fil magique qui nous relie à cette terre unique et cette jeunesse vibrante......faire fi des hurlements barbares et vides d'humanité !

Ysa a dit…

Contente de de retrouver même si c'est dans de telles circonstances. Comme toi j'espère que cette guerre se terminera bien vite, mais c'est difficile de pouvoir dialoguer avec des gens qui ne veulent rien entendre en face. Je reste persuadée qu'il doit bien avoir quelques palestiniens qui veulent la paix.... bon pas à l'image des deux abrutis au dessus qui déversent leurs messages débiles !! En tout cas ton texte est porteur d'espoir

Zoé a dit…

Je m'étais inscrite pour recevoir ce blog et il revient à la vie après deux ans pour nous parler de guerre. Quel dommage. Je ne vous comprends pas. Si vous voulez la paix pourquoi ne pas refuser de faire la guerre comme votre gouvernement l'a décidé? Et si les pilotes de Tsahal refusaient de bombarder les populations civiles? Il y a des centaines d'enfants morts à Gaza. Vous ne pensez jamais que si vous refusiez de les tuer tout serait différent?!?

Perle a dit…

Zoé,

Une chose est claire ici pour nous: sans une armée forte, Israël disparaitrait. Et nous avec. Le Hamas ne se bat pas pour l'Etat Palestinien. Il se bat pour nous faire disparaitre. Oui, nous. Des vrais êtres humains. Nous n'avons pas le luxe de ce pacifisme de salon. Les jihadistes sont à nos portes. A Gaza, au Sinaï, au Liban, et en Syrie. En Irak, aussi. Quand Assad assassine à l'arme chimique à Damas, c'est à 200km de chez moi. La guerre, pour nous, ne s'arrête pas avec la fin du journal télévisé.

Israël protège ses civils et je ne demande qu'une chose - que le Hamas cherche aussi à protéger les siens. Que le Hamas construise des abris, pour ses civils et pas pour ses roquettes. Ca te parait pas aberrant, quand l'héroïque résistance se planque dans des tunnels et laisse des enfants exposés aux bombardements?

Le jour où j'entendrai cette voix en écho avec celles qui dénoncent les morts palestiniens, je me joindrai volontier à elles. Je le fais déjà ici chez moi lorsque les sirènes s'arrêtent de hurler, quand je remonte de la guerre pour aller manifester pour la paix. Ca te parait peut-être paradoxal, mais on est des centaines et des milliers comme moi. C'est une guerre que personne ne gagne. Mais si on refusait de la combattre, ces images de destructions que tu vois à Gaza seraient de mon coté. Et pire.

Le fait même qu'on négocie avec le Hamas est une victoire pour un mouvement exsangue qui vient de cyniquement sacrifier ses civils à sa survie politique. A la fin de ce conflit, le Hamas en sortira aussi grandi parce qu'au final personne - personne! - n'aura songé à dénoncer ses actions. Il y verra la confirmation de la validité de sa stratégie. Les Palestiniens de Cisjordanie qui ont cru à la négociation avec nous y verront la preuve que la lutte armée paie. Et le Hamas aura en plus renforcé en Israel ceux qui ne croient pas à la paix.

Vois-tu, chaque mort de civils à Gaza est une défaite pour Israël. Et je parle au delà de l'aspect moral ou tragique de la mort d'innocents. Chaque civil que nous tuons, c'est un terroriste supplémentaire que nous inspirons. Et la conséquence logique de ce phénomène, c'est que chaque civil tué à Gaza est une victoire du Hamas. Nous sommes aussi mauvais à épargner leurs civils qu'ils l'ont été dans leurs essais à tuer les nôtres. Ici, nous avons un système merveilleux qui s'appelle le Dome de Fer, qui a sauvé des centaines de vies. Mais pour répondre à ta question - oui, je pense que si nous refusions de combattre, les choses seraient différentes. Je pense que nous ne serions plus là pour en débattre sur ce blog.

Mon gouvernement (pour lequel je n'ai d'ailleurs pas voté) est surement coupable de ne pas avoir suffisamment cherché à faire la paix. Il est coupable de son absence de courage politique. Mais ne retournons pas les roles. Comme tous, je regarde ce qui se passe aux portes de mon pays. Je vois comment on tue des femmes et des enfants dans le silence assourdissant de la communauté internationale. Je vois comment aucune manif n'est venue exiger de vos gouvernements l'arrêt des "massacres", du "carnage", des "meurtres de masse" en Syrie et du véritable génocide qui menace les chrétiens d'Irak. Et je me dis que je suis prête à tout donner pour que ce ne soit pas nos parents, nos soeurs, nos frères, nos enfants et nos amis. C'est aussi évident que ça...