Depuis une semaine, les hiérosolymitains circulent en tramway. Seule bonne nouvelle d'une semaine sinon plutôt sombre, ses wagons effilés fendent presque furtivement l'embouteillage permanent du centre, traversent la ville d'est en ouest, toujours bondés, presque pris d'assaut par la population religieuse aux abords du shouk Makhane Yehuda, déjà partie prenante du paysage urbain.
Profitant de la gratuité temporelle, les familles orthodoxes se pressent contre les vitres, et entraînent leurs nombreux enfants à la découverte de Jérusalem. Les vélos s'entassent, on se pousse, se presse, et dans chaque quartier les populations changent - Arabes ou Juifs, laïques, religieux, kippa de velours ou kippa tricotée, orthodoxes, chapeaux de fourrure ou chapeau noirs, soldats ou civils. La radio ressasse les annonces d'une alerte et de risques très sérieux d'attentats sur Jérusalem.
On réfléchit soudain avant de s'attabler en terrasse. Impossible de dépasser un autobus sans l'imaginer à risque d'exploser. Les conversations vont bon train, on rabroue la tension pernicieuse qui partout s'insinue d'une pointe de cynisme, évoque notre qua lité de cible parfaite compressés parmi les passagers du tramway, assure qu'on en a vu des pires, et qu'après tout si le printemps arabe empiète sur l'été, reste à espérer que l'automne palestinien n'annonce pas également l'hiver de nos maigres relations avec les pays voisins.
Montés en début de semaine, après deux stations pourtant, un coup d'oeil suffit à convaincre Omri de descendre, haletants, dans la chaleur étouffante. "Mais c'est plein à craquer!" - un garde de sécurité s'exclame. "Mauvais choix de mots...", grince son acolyte entre ses dents. Quand enfin la radio annonce une nette baisse du risque pour nous, les chutes de missiles sur le Sud continuent. A Sderot, les habitants ont 15 secondes pour rejoindre les abris dès l'activation de la sirène, ceux de Beer-Sheva disposent de presque une minute.
Montés en début de semaine, après deux stations pourtant, un coup d'oeil suffit à convaincre Omri de descendre, haletants, dans la chaleur étouffante. "Mais c'est plein à craquer!" - un garde de sécurité s'exclame. "Mauvais choix de mots...", grince son acolyte entre ses dents. Quand enfin la radio annonce une nette baisse du risque pour nous, les chutes de missiles sur le Sud continuent. A Sderot, les habitants ont 15 secondes pour rejoindre les abris dès l'activation de la sirène, ceux de Beer-Sheva disposent de presque une minute.
Au supermarché du coin au petit matin, nous ravitaillons nos soldats d'un petit-déjeuner mérité. Une petite vieille bouscule les clients dans la queue, nous rejoint à la caisse. "Non, c'est pour moi, allez! Kol haKavod l'Tsahal¹!" - notre insistance n'y changera rien, les autres clients ont pris son parti, ils se pressent tous pour eux aussi contribuer.
Je finis par regagner Tel Aviv quelques heures ce vendredi. Une ville insouciante, enfin. Les surfeurs sans chemises défilent le long de la plage, et sur l'avenue Rothschild on proteste encore pour plus de justice sociale. L'appartement sent le café noir et le citron. Les voix de mes colocataires s'échappent du bout du couloir, la chaleur humide soulagée par la très légère brise qui s'infiltre par la porte béante du balcon de service.
"Il faut tout exterminer, c'est le seul moyen d'avoir la paix."
"La balance démographique pèse dans leur sens, mec, et rien ne dit que nous parvenions à complètement les annihiler. Peut-être qu'en détruisant méthodiquement chaque colonie..."
Je fronce les sourcils, la tendance politique chez nous est plutôt inverse. Repas sur le pouce entre copains dans une cuisine du nord de Tel Aviv, je les découvre attablés devant une bombe d'insecticide. C'est vrai qu'elles sont partout, les fourmis.
Ils explosent de rire en découvrant mon air ébahi. Je lâche mon sac à dos, enlève le haut de l'uniforme. "On ne t'a pas vu toute la semaine! Tu restes ou tu repars?" Thé vert glacé et melon, les conversations s'agitent, s'égarent. Shah'ak me dépose à la station centrale, avant de redescendre vers le Sud aider ses parents, surpris par la détérioration brusque de la situation.
Quelques heures plus tard, dans la nuit fraîche de Jérusalem, la chant grave d'un homme entonne une douce mélopée, reprise par les voix enfantines d'une table de shabbat familiale dans la maison voisine. Dans le jardin, les fruits de la passion sont mûrs, même si à peine jaunis sur leurs longues tiges bouclées, et se détachent au simple contact de la main. La vigne prospère s'élance entre les branches d'un grenadier, ses raisins doucement brunis par le soleil d'été. Tout respire le calme, le silence ne se trouble qu'au passage de marcheurs nocturnes. Le stress accumulé d'une semaine difficile s'envole...
1. "Kol haKavod l'Tsahal": littéralement - "Tout le mérite est pour Tsahal" - une façon populaire de remercier les soldats, et un cri de ralliement et de support à l'armée lorsqu'attaquée, repris par la population en temps de crise.
5 commentaires:
violence latente;douceur de l ete;je me suis regalee d une tranche de vie:qui apporte des sensations et des sentiments graves et doux;merci a toi;que dieu veille sur toi.MARIE
Qu'est ce que j'aime te lire, je suis transportée avec toi, à Yeroushalaim et à Tel-Aviv, j'y suis vraiment et ça me fait un bien fou, Israël me manque et j'ai hâte de revenir y vivre. Kol a kavod tsahal et am Israel haye !!!
Un beau texte, agréable à lire...comme d'habitude.
Tres beau texte. Au coeur des tensions. Dans la Tel Aviv insouciante on s'inquiete et on se detend. A Jerusalem et dans le sud, on vit l'angoisse..
Prions que le mois de septembre n'ouvre pas la voie a la guerre, simplement.
Lovve this
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