1 nov. 2010

"Place des Rois d'Israël"

 
Il faudrait dire qu'il n'y a pas de camp à la paix. Mais personne ne semble avoir le courage. Ou l'envie. Samedi, derrière chacun des hommes politiques, intellectuels et journalistes qui l'un après l'autre s'adressaient à la foule, le portrait immense de Rabin frémissait et ses rides de plastique ondulaient sous la brise légère de Tel Aviv.

Shimon Peres parle à une foule très jeune, assemblée sous les panneaux des organisations de gauche et des mouvements de jeunesses socialistes.

Comme chaque année, les gens se rendaient samedi au même endroit, serrés devant une scène où les discours se succèdent et continuent, encore et encore, se gargarisent de formules politiques, attaquent les gouvernements, fustigent l'indifférence, transforment et s'approprient chacun à leur tour l'héritage d'un homme devenu symbole. Avant c'était la Place des Rois d'Israël. Désormais on l'appelle Place Rabin. 

C'était il y a quinze ans, et depuis tout a changé. Seules les chansons sont restées les mêmes. La réalité est tout autre, d'ailleurs ceux qui remplissaient la place ce soir terrible, ont oublié d'y venir cette année. Il manque une génération. L'assemblée est dominée par les chemises bleues des gamins des mouvements de jeunesse socialistes. Alors déjà, nous étions petits - et eux, probablement pas nés. Quelques vieux, cheveux grisonnants, intellectuels, évidemment laïques, se mêlent aux nombreux étudiants. Pas une kippa. Pas une famille. L'héritage de Rabin est bien lourd à porter. L'homme était multiple, complexe: héros militaire, figure politique légendaire, adulé et honni, architecte du processus. Un premier ministre qui avait une vision, qui parlait peu et pensait beaucoup. Sa fin tragique a fait de lui un martyr, trop souvent accaparé par des partis de gauche moribonds. 

On aurait rêvé d'une cérémonie sans politique, où chacun puisse se chercher et se reconnaître. Il aurait fallu dire, qu'il n'y a pas de camp à la démocratie. Personne n'en a eu le courage. Sur les dalles sombres de l'ancienne Place des Rois d'Israël, la plaie est toujours béante. L'autre Israël n'est pas venu, nous ne sommes qu'une toute petite moitié. Et pourtant cette nuit de novembre 1995, c'était aussi leur premier ministre qui a été assassiné - de deux balles dans le dos.

L'an dernier aussi, je vous parlais de l'assassinat d'Yitzhak Rabin. La date était différente car les commémorations suivent le calendrier hébraïque.
 

4 commentaires:

Justin a dit…

Je suis pas sur de comprendre. Ca me semble logique que les partis de gauche soient ceux qui commémorent Rabin...

Perle a dit…

Le problème est tout autre. Ce qui me dérange c'est que la droite ne vient pas - elle n'est d'ailleurs pas conviée ce qui l'arrange bien - et que la gauche transforme l'évènement en occasion politique. On peut choisir de commémorer Rabin ou pas, mais l'assassinat d'un premier ministre en exercice nous concerne tous.

Zoe a dit…

Le camp de la paix n'a pas la cote ces derniers temps. Vous ne croyez pas que lui nier la propriété de cette commémoration serait précipiter sa fin? Je rappelle que Itzak Rabin a quand même été abattu par un fanatique juif...

Perle a dit…

Yitzhak Rabin était très loin d'être un homme d'extrème gauche et avait des positions proches de celles du parti Kadima aujourd'hui: un parti fondé par Ariel Sharon, son ennemi de toujours.

Les choses changent en Israël - au Moyen Orient en général d'ailleurs - et les politiques changent. Le "camp de la paix" n'existe pas. C'est celui de tout le monde - et tous brillent par leur absence de vision et l'homogénéité des politiques menées.

Aujourd'hui, Netanyahu parle d'état palestinien, un concept jamais évoqué par Rabin de son vivant. C'est tant mieux. Mais vouloir donner la propriété de sa mémoire à un camp plutôt qu'un autre?! Nous avons malheureusement vu où la volonté de diviser entre deux camps, l'opposition constante, l'incitation et la haine nous as mené.